Une malade trouvait infernale sa vie de douleurs et demandait qu'un médecin l'aidât à mourir.
Depuis quelques jours, impossible d'ouvrir un journal, la radio ou la télé sans subir la relation circonstanciée de son malheur.
Tout cela est très gênant.
La pauvre malade était moins l'objet d'un acharnement thérapeutique que d'un acharnement médiatique, à se demander le prix que les médias avaient payé, et à qui, pour recevoir et transmettre
une information aussi délibérément impudique. Serait-ce une variante de l'assurance-vie que des parents constituent pour leurs héritiers ?
Après avoir (comment y échapper ?) entendu les plaintes et la demande de la malade, une autre gène s'impose au témoin-spectateur.
On est en face d'une personne qui souffre mais qui se déplace normalement dans son appartement, manipule des objets. Elle tient des propos cohérents, réfléchis ; son intelligence est normale.
Alors pourquoi ne pas en finir toute seule ? Elle avait encore assez de moyens physiques pour se suicider.
On a beaucoup de mal à la suivre. Elle s'apprêtait à impliquer dans son projet un médecin qui aurait chargé sa conscience d'un acte qui n'est pas anodin.
La maladie rend égoïste, certes, mais au point de faire porter à un autre le poids de son malheur, là, non.
Le malade a droit, comme tout le monde, à la liberté mais elle s'arrête, comme celle de tout le monde, où commencent la liberté et l'humanité des autres.
Cette malade vient de mourir. C'est triste, comme toutes les morts.
Il reste à souhaiter que ce décès arrête le cirque indécent auquel nous étions conviés.