Une occasion, encore une (!) de faire référence à notre glorieux poète de l'impertinence : Georges Brassens : Au marché de Brive-la-Gaillarde, "Quand il s'agit de rosser
les cognes tout le monde se réconcilie."
Hélas, les Cassandres des banlieues n'ont pas d'humour, ni le goût du sarcasme.
Puisqu'ils ont l'air d'y tenir, essayons de poser avec sérieux la question qui les occupe : Comment faire de la police autre chose qu'une cible pour délinquants en bande
?
Il s'est écrit assez de doctes articles sur les origines de la criminalité en banlieue.
Faut-il y voir une conséquence de la misère ?
La pauvreté n'est pas un monopole de la périphérie des villes ; à quand le retour des bandits de grand chemin dans les campagnes dévastées ? Certains allant jusqu'à prononcer le mot "ghettoïsation", la formule est une insulte pour ceux qui ont fait l'expérience du véritable ghetto. Essayons de rester lucides et de ne pas sombrer dans le ridicule des excès de langage.
D'autres, comme d'habitude, incriminent l'école ou les parents en oubliant le troisième larron sans qui rien n'est possible : la confiance en l'avenir. On nous répète à l'envi
que les enfants de l'immigration italienne et polonaise des années 50 ne posaient pas de problèmes parce qu'ils venaient de familles catholiques comme la majorité des Français. En fait de
religion, dans nos souvenirs, il reste des parents qui travaillaient dur, maîtrisaient mal le français mais poussaient les enfants à l'école et les corrigeaient sévèrement en cas de mauvaises
notes ou d'écarts de conduite. Ils étaient persuadés que la meilleure chance de réussir dans la vie tient aux résultats scolaires. Qui peut rendre la foi en l'avenir à tous ces parents qui
baissent les bras pour avoir perdu trop d'illusions ?
En attendant le miracle ou la révolution (au choix, selon vos croyances), il faut traiter, au jour le jour, les petites incivilités, délits et crimes qui empoisonnent la
vie de leurs voisins malchanceux.
C'est à ce moment qu'en général on demande : "Que fait la police ?" N'est-elle pas là pour garder la paix ?
La réponse a de quoi inquiéter.
On ne rencontre plus de policiers en ville, dans les endroits où vivent les gens, finis les gardiens de la paix.
Ils traquent les ceintures et les téléphones portables au long des routes, histoire de faire du rendement.
Ah, le rendement sacré ! C'est lui qui justifie les nombreuses garde-à-vue qui font du commissariat l'endroit le moins rassurant de la ville. Qui parle encore de "Police Secours" ? Si vous avez
besoin d'aide, il y a de grandes chances pour que vous la demandiez n'importe où sauf dans ce lieu prévu pour.
Bonnes gens, dormez en paix ! On a tout prévu pour votre tranquillité ... à l'abri d'un cordon de CRS : un de leurs cars stationne à la limite de votre quartier.
Vous n'êtes pas rassuré ? Vous êtes bien impressionnable ... vous êtes sans doute un vieux soixante-huitard ... Faudra vous rééduquer !
Rééducation ou pas, ils ne peuvent rien contre les nuisances qui pourrissent la vie.
C'est agaçant et c'est parfois dramatique.
Un exemple ?
L'affaire Ilan Halimi, ce jeune juif enlevé par une bande, torturé pendant plusieurs semaines pour finir assassiné dans un appartement d'une cité HLM. Les habitants savaient ou, du moins,
se doutaient qu'il s'y passait des choses bizarres, tout le monde savait, sauf la police qui avait déserté le quartier.
La police de proximité n'avait plus la cote. Il était du dernier cri de se gausser des fonctionnaires de police transformés en moniteurs de sport pour jouer au foot avec
les gamins des quartiers. On avait seulement oublié qu'à partager la vie de banlieue, ils pouvaient, à tout le moins, y recueillir des informations. Faire du renseignement est long, cher,
peu spectaculaire ; on a décidé d'en faire l'économie.
On se passera de Sherlok Holmes ; on sélectionnera plutôt des Rambo.
Et on se crispe, l'humour n'est plus de saison.
Les plaintes s'accumulent contre les auteurs de chansons dites injurieuses à l'égard des policiers.
Imaginons que Brassens ne soit pas mort. Pourrait-il encore longtemps chanter son "Hécatombe", déclarer qu'il adore les pandores sous la forme de maccabées ?
Va-t'on employer la force pour contraindre les possesseurs d'albums de Brassens à les sacrifier dans un autodafé d'expiation ?
Résistons. La liberté d'expression, qui s'use lorsqu'on ne s'en sert pas, reprend vigueur dans les têtes et la mémoire.
Affutons nos consciences plus solides que les chaussettes à clous. Chantons, parlons, écrivons.