12 décembre 2009
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Il y eut les aristocrates, puis les ploutocrates, les bureaucrates, les technocrates...
Voici venir le temps des nullocrates.
Au nom de l'efficacité, il faudrait spécialiser les individus.
Ceux qui en sont persuadés feraient bien de réviser leur cours d'économie au chapitre de la division du travail. Un bref dépoussiérage, une remise en ordre des notions oubliées, leur rendra la conviction que, plus une tâche est parcellisée, plus elle abrutit son auteur, plus elle facilite son exploitation. Les allergiques à l'écrit peuvent revoir "Les Temps Modernes" de Charlie Chaplin. Ils en tireront la même conclusion : confiner l'individu à des automatismes tue l'initiative et le raisonnement.
Plus les connaissances sont étendues et variées, plus le travailleur est libre et mieux il réussit dans sa tâche.
On avait cru la tentation tayloriste éliminée, jetée aux poubelles du mouvement ouvrier. Hélas, chaque jour nous apporte des exemples contraires. Non seulement elle n'est pas morte mais elle a contaminé toutes les professions jusqu'au sommet. Il faut apprendre utile, l'utilité étant comprise de la manière la plus étroite, réduite à des savoirs techniciens. On fait semblant de ne pas voir les lacunes béantes et les contradictions du système.
Si l'on prenait au mot les tenants de la spécialisation, on formerait des techniciens sans perdre de temps. La scolarité réduite à l'apprentissage d'un métier serait l'ambition suprême de beaucoup.
L'ennui, c'est que ça ne fonctionne pas.
Alors, on essaie de contourner l'obstacle.
La majorité des élèves voit augmenter la durée de ses études, pas la qualité de leurs débouchés ; ils seront précaires diplômés. C'est tellement prévisible qu'on leur en demande de moins en moins ; pour des exécutants, le niveau suffira.
Et les autres, les futures élites professionnelles et politiques ? On trie, on sélectionne sans le dire.
Les fonctions auxquelles ils seront appelés exigent une formation de haut niveau ; il est important que l'étudiant soit intelligent et qu'il ait acquis très tôt le goût et l'habitude du travail ardu.
En conséquence, les Grandes Écoles et toutes les formations prestigieuses basent leur recrutement sur les disciplines réputées difficiles. La voie royale est toujours celle des mathématiques. L'élève qui a été capable, après un bac S, de digérer les classes préparatoires sans être découragé et d'obtenir un bon classement au concours de sortie peut espérer commencer une carrière brillante.
C'est un moyen d'éliminer mais est-ce le bon choix ?
Qui peut m'expliquer par quel moyen les mathématiques dures peuvent faire une bonne médecine, des fonctionnaires intègres et un bon gouvernement ?
Naguère, les politiques et la haute fonction publique venaient de Normale Sup - Lettres. Ils n'étaient pas moins bons que leurs homologues d'aujourd'hui, même dans les ministères dits "techniques" (Edgar Faure, homme du livre, a fait un ministre de l'agriculture plus efficace que certains syndicalistes - lobbyistes de l'industrie agro-alimentaire).
Une fois pour toutes, c'est décidé : il est prévu de supprimer toute perte de temps, les futures élites de la nation seront matheuses à l'exclusion de toute autre inclination.
Pour ceux qui douteraient du grand nettoyage, les cours d'histoire en terminale, vont devenir optionnels, autant dire que, confrontés à la répartition des horaires et des locaux, ils vont disparaître. C'est le sort de toutes les options au lycée, on commence pour un an ou deux puis on abandonne.
Ils ne vont pas s'arranger, les matheux.
Quand on sait qu'une bonne partie va faire l'ENA puis entrer dans un gouvernement, on a peur.
"En oubliant le passé, on se condamne à le revivre ..."
Il sera beau l'avenir dirigé par des amnésiques.
Voici venir le temps des nullocrates.
Au nom de l'efficacité, il faudrait spécialiser les individus.
Ceux qui en sont persuadés feraient bien de réviser leur cours d'économie au chapitre de la division du travail. Un bref dépoussiérage, une remise en ordre des notions oubliées, leur rendra la conviction que, plus une tâche est parcellisée, plus elle abrutit son auteur, plus elle facilite son exploitation. Les allergiques à l'écrit peuvent revoir "Les Temps Modernes" de Charlie Chaplin. Ils en tireront la même conclusion : confiner l'individu à des automatismes tue l'initiative et le raisonnement.
Plus les connaissances sont étendues et variées, plus le travailleur est libre et mieux il réussit dans sa tâche.
On avait cru la tentation tayloriste éliminée, jetée aux poubelles du mouvement ouvrier. Hélas, chaque jour nous apporte des exemples contraires. Non seulement elle n'est pas morte mais elle a contaminé toutes les professions jusqu'au sommet. Il faut apprendre utile, l'utilité étant comprise de la manière la plus étroite, réduite à des savoirs techniciens. On fait semblant de ne pas voir les lacunes béantes et les contradictions du système.
Si l'on prenait au mot les tenants de la spécialisation, on formerait des techniciens sans perdre de temps. La scolarité réduite à l'apprentissage d'un métier serait l'ambition suprême de beaucoup.
L'ennui, c'est que ça ne fonctionne pas.
Alors, on essaie de contourner l'obstacle.
La majorité des élèves voit augmenter la durée de ses études, pas la qualité de leurs débouchés ; ils seront précaires diplômés. C'est tellement prévisible qu'on leur en demande de moins en moins ; pour des exécutants, le niveau suffira.
Et les autres, les futures élites professionnelles et politiques ? On trie, on sélectionne sans le dire.
Les fonctions auxquelles ils seront appelés exigent une formation de haut niveau ; il est important que l'étudiant soit intelligent et qu'il ait acquis très tôt le goût et l'habitude du travail ardu.
En conséquence, les Grandes Écoles et toutes les formations prestigieuses basent leur recrutement sur les disciplines réputées difficiles. La voie royale est toujours celle des mathématiques. L'élève qui a été capable, après un bac S, de digérer les classes préparatoires sans être découragé et d'obtenir un bon classement au concours de sortie peut espérer commencer une carrière brillante.
C'est un moyen d'éliminer mais est-ce le bon choix ?
Qui peut m'expliquer par quel moyen les mathématiques dures peuvent faire une bonne médecine, des fonctionnaires intègres et un bon gouvernement ?
Naguère, les politiques et la haute fonction publique venaient de Normale Sup - Lettres. Ils n'étaient pas moins bons que leurs homologues d'aujourd'hui, même dans les ministères dits "techniques" (Edgar Faure, homme du livre, a fait un ministre de l'agriculture plus efficace que certains syndicalistes - lobbyistes de l'industrie agro-alimentaire).
Une fois pour toutes, c'est décidé : il est prévu de supprimer toute perte de temps, les futures élites de la nation seront matheuses à l'exclusion de toute autre inclination.
Pour ceux qui douteraient du grand nettoyage, les cours d'histoire en terminale, vont devenir optionnels, autant dire que, confrontés à la répartition des horaires et des locaux, ils vont disparaître. C'est le sort de toutes les options au lycée, on commence pour un an ou deux puis on abandonne.
Ils ne vont pas s'arranger, les matheux.
Quand on sait qu'une bonne partie va faire l'ENA puis entrer dans un gouvernement, on a peur.
"En oubliant le passé, on se condamne à le revivre ..."
Il sera beau l'avenir dirigé par des amnésiques.