En ces temps médiatiques, l'important n'est pas ce qu'on fait ou ce qu'on dit. L'important est de le dire où il faut et au bon moment.
Feu Jean-Paul II (alias Jean Polski) en était un spécialiste. Fer de lance de la bondieuserie polonaise, il avait réussi à s'attribuer un mérite disproportionné dans la chute du rideau de fer, à tirer la couverture à lui comme si les autres dissidences avaient compté pour rien. Il avait si bien endossé le costume de champion des libertés qu'il avait pu, sans rire ni sourciller, condamner la théologie de la libération et l'émancipation de la femme.
Ce grand génie de la publicité a fini par mourir comme tout vulgaire mortel. Inconcevable de laisser dépérir un tel capital ; après sa mort, une publicité bien entretenue
doit profiter à son église qui en a bien besoin. Il faut donc en faire un saint, c'est la carrière normale d'un héros de la religion.
Traditionnellement, la canonisation s'accomplit en suivant un processus lent et long qui ne fait pas les affaires des publicitaires du Vatican. A quoi servirait un saint que
tout le monde aurait oublié ?
On prête une oreille et des micros favorables aux bigotes qui proclament "santo subito!" et on bouscule un peu le rythme imposé. On ne va pas jusqu'à brûler les étapes, pour respecter la procédure, il faut passer par le stade "bienheureux" ; il faut seulement béatifier au plus vite.
Ce point étant acquis, reste à dénicher un miracle. En effet, comme à l'époque des rois thaumaturges, on juge de la sainteté d'une âme à son aptitude à provoquer du merveilleux. Entre effet placebo et rémission spontanée, la guérison des incurables est une valeur sûre dans le miraculeux. Pour éviter la gaffe chez un miraculé pris par le doute, il faut confier le rôle à un croyant convaincu. Merveille ! On a en réserve la candidate idéale, une religieuse convaincue à l'avance des pouvoirs du pape défunt. La soeur qui souffre de la maladie de parkinson appelle à la rescousse son héros qui n'est pas encore saint ni bienheureux (est-ce bien catholique ?) Hop ! Ni une ni deux, "Lève-toi et marche", la malade retrouve ses jambes et crie au miracle, suivie par la foule des croyants. Les esprits chagrins auront beau ricaner, émettre des doutes (les maladies neurologiques sont coutumières des évolutions erratiques), l'Eglise tient sa miraculée ; on béatifie Jean-Paul.
Pour montrer qu'on a de la suite dans les marottes, la cérémonie se tiendra le 1er mai (le goupillon avant le drapeau rouge). Tout est prévu, la béatification doit créer l'événement.
Certes, deux jours avant, à la cour d'Angleterre, il y a le mariage du siècle. La mariée est magnifique, beaucoup plus belle que la miraculée mais la béatification
aura son public de dévotes et les papistes se feront un plaisir de couper court au succès des anglicans impies.
Les communicants du Vatican prévoyaient d'occuper la scène médiatique plusieurs jours.
Et patatras !
Encore un sale tour de la concurrence, Ben Laden se fait prendre et trucider. A son corps défendant, certes, mais depuis le temps qu'il faisait lanterner la terre
entière, il a fallu qu'il tombe juste à ce moment, à croire que c'était fait exprès pour casser le coup médiatique du Jean-Paul.
Pour venger l'affront, pour faire parler les médias du monde entier, les cerveaux du vatican ont du pain sur la planche. Il leur faut trouver un miracle capable de faire
parler plus fort que le célèbre barbu
Faites chauffer les méninges. C'est pas gagné d'avance.