La Fontaine, cher homme, n'imaginait pas que la morale de sa fable s'appliquerait un jour à des révolutions.
Depuis quelques mois, les peuples arabes se passionnent pour la démocratie.
Des combattants jeunes, inexpérimentés mais plus instruits que leurs parents, se rappellent les vieux récits de nos révolutions. Inspirés par leurs saines lectures et frottés à
l'utilisation d'Internet, ils se ruent à l'assaut des dictatures qui les écrasent.
Tunisiens et Egyptiens réussissent ; ils mettent leurs dictateurs à la porte. Les vieilles démocraties, à l'exception de quelques rabat-joie, sont pleines d'admiration.
D'autres candidats rencontrent des difficultés ; les tyrans ne se laissent pas si facilement éliminer.
L'incendie s'étend. Quand la répression fait des victimes au Yemen ou à Bahrein, c'est loin. Dans le fond, tout le monde s'en fiche.
Mais l'Occident se sent obligé de réagir quand son vieil ennemi Kadhafi est menacé. Depuis le temps qu'il est la "bête noire" du monde entier, difficile de ne pas
aider son peuple à s'en débarrasser. Dans le même temps, les Ivoiriens ont reçu un soutien aussi efficace que militaire pour déposer un G'bagbo qui s'obstinait, "se tapait l'incruste"
bien que battu aux élections.
Obama se prenait pour Roosevelt et Sarkosy pour De Gaulle comme des Alliés héroïques redresseurs de torts. Toujours prête à défendre la veuve et l'orphelin, l'opinion publique
soutenait l'aventure, d'autant qu'elle avait la chance de ne pas exposer la vie de ses soldats.
Mais la récréation s'éternise. L'affaire menace de coûter cher (délicat en période de crise) et de risquer, peut-être, des déconvenues inattendues. Les soucis se profilent à
l'horizon.
Et puis l'été approche, l'esprit vagabonde, aimerait changer de sujet. Il en va des révolutions comme des journalistes dont on énumère chaque jour de captivité : le public n'y prête plus
attention.
C'est le moment "choisi" par les Syriens pour se faire massacrer par leur dictateur-maison, héréditaire et sans scrupules. Ont-ils moins de mérite que Lybiens et
Ivoiriens ?
En tout cas, de l'aide, ils en ont bien besoin.
Mais, voyez Messieurs comme c'est dommage, vous arrivez après la distribution. Tant pis, débrouillez-vous.
Les écoles chargées de former les diplomates ont appris à d'importants personnages et à des journalistes stipendiés comment répondre poliment, avec des raisons très bien tournées, que "non,
aujourd'hui, nous ne pouvons rien pour vous, repassez une autre fois".
Ils vont mourir, se faire écraser ?!
Bah, on ne fait jamais d'omelette sans casser d'oeufs. Il en restera sans doute assez pour relancer une partie quand le moment nous conviendra.
Et voilà, à quoi tient le rêve et la vie des gens. Une question de créneau dans un agenda.