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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 07:54

Raymond Aubrac, tu viens de mourir.

97 ans...c'est une longue vie. Tu étais encore, selon l'expression consacrée, bien pour ton âge. Alors, toi, le héros, notre référence, tu n'auras pas à tonner de déception et de fureur devant l'abaissement de la République.

La complaisance et les bonnes manières des amnésiques au pouvoir vont, encore une fois, ouvrir le jeu démocratique aux paroles de haine et à la puante bêtise que tu avais combattues.

On aurait tant aimé te dire que l'hydre était définitivement terrassée ... mais tu n'aurais pas cru nos illusions. Tu savais bien, mieux que nous, qu'une guerre n'est jamais définitivement gagnée.

Les mêmes hypocrites vont te rendre hommage à grand renfort de larmes de crocodile mais tes vrais admirateurs vont  s'efforcer de rester dignes de toi, de maintenir sans compromissions l'héritage du Conseil National de la Résisistance.

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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 10:05

   Toujours débordée par mes problèmes logistiques , il me faut toutefois dégager le temps nécessaire pour apporter mon grain de sel, quelques précisions, autour d'un sujet dont on nous rebat les oreilles sans poser les vraies questions. Penchons nous sur la viande et l'abattage des animaux sans nous laisser aller au crêpage des chignons religieux et culturels.

   D'abord, une réalité : comme l'ours, le cochon et tous les animaux opportunistes, l'homme moderne est un carnivore charognard. Incapable de fondre sur sa proie pour la dévorer vivante, il attend que la victime lui soit livrée tuée et, de préférence, dépouillée, découpée, prête à consommer ; c'est le boulot des abattoirs.

   Le sujet urbain se détourne des lieux de mort. Comme si la viande lui arrivait ex-nihilo, comme s'il n'existait aucun point commun entre les animaux et son assiette, l'abattoir lui est un univers étranger, il ne veut même pas savoir comment il fonctionne.

   S'il y prêtait quelque attention, il serait, au moins, plus difficile de lui raconter n'importe quoi. 

   D'abord, ce travail peu réjouissant se pratique de moins en moins en zone urbaine. Il plait aux amis des bêtes de croire que leurs protestations indignées (tiens, eux aussi !) contre les conditions révoltantes du transport des animaux ont été entendues ; en réalité, c'est l'efficacité économique qui a décidé, il est plus simple et moins coûteux de faire rouler des véhicules réfrigérés transportant de la viande que des camions de bestiaux vivants. La majorité des animaux sont abattus dans les régions d'élevage et acheminés vers les grandes villes à l'état de carcasses ou même carrément découpés en morceaux prêts à consommer. Il reste bien quelques abattoirs en zone urbaine pour les éleveurs en périphérie, les bouchers-abatteurs (survivance du passé) qui tiennent à choisir eux-même leurs bêtes sur pied, les font tuer et en récupèrent les morceaux en sortie de chaîne, l'abattage sanitaire en cas de nécessité, et des situations particulières au nombre desquelles le droit accordé à certains groupes religieux de faire procéder à une forme rituelle de sacrifice par égorgement sans étourdissement. Au passage, rappelons qu'ils ont obtenu ce régime dérogatoire pour lutter contre l'abattage clandestin, source de nuisances sanitaires graves et de troubles à l'ordre public.

   Les petites unités ont du mal à joindre les deux bouts, il faut un tonnage minimum pour continuer à exister. Elles ont vu dans l'abattage rituel la survie de leur activité. Rationalisation oblige, elles en ont fait leur norme.

Conclusion : il est faux de prétendre que tous les franciliens mangent halal sans le savoir, la plus grande partie de la viande consommée en région Parisienne vient de boucheries industrielles situées dans les zones d'élevage, on n'y pratique pas l'égorgement rituel. En revanche, il est vrai que les morceaux provenant d'abattoirs franciliens ont toutes les chances d'avoir été abattus rituellement.

    Ce point étant acquis, reste le seul vrai problème qui n'agite pas grand monde : la question sanitaire.

Nous essaierons de ne pas être inutilement gore mais la précision exige d'entrer dans quelques détails difficiles.

Prenons l'exemple des bovins. Normalement, dans l'abattage réglementaire, les bêtes suivent un couloir à la queue-leu-leu, elles sont accueillies par un tueur muni de son pistolet d'abattage, une arme qui, appuyée entre les cornes, enfonce l'os frontal. L'animal est cérébralement mort mais son coeur battra encore le temps nécessaire pour qu'il puisse être saigné. Il est donc suspendu par une patte arrière et une ouverture es pratiquée dans la carotide pour que l'animal se vide de son sang. En même temps, l'oesophage  est  ligaturé pour éviter que le contenu digestif puisse descendre et souiller la plaie. Les tueurs ont obligatoirement un CAP de boucher, garantie d'une formation minimale à l'hygiène.

Dans le cas où l'animal est égorgé rituellement, une lame vient sectionner tous les "tuyaux" en même temps : artère, trachée, oesophage. Tous les fluides se répandent, la plaie est donc souillée par le contenu digestif riche en bactéries de toutes sortes. Il est donc fortement déconseillé de consommer les morceaux autour du cou, morceaux bon-marché qui servent à la frabrication des steacks hachés, steacks le plus souvent consommés crus ou à peine cuits.

Cette forme d'abattage qui se veut pure est, en réalité, un vrai nid à microbes.

   En insistant sur le clash des civilisations, les adversaires de l'abattage rituel se trompent de combat. Ils se créent une réputation d'intolérants et de racistes alors qu'il serait bien plus simple de se faire les champions de l'hygiène et de la santé.

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 00:01

   Bientôt, nous allons habiter un monument historique.

Inutile de fantasmer, nous n'avons pas acquis un manoir ni une abbaye en ruine, juste une maison toute simple et pas plus ancienne que moi. C'est la ville entière qui est monument historique.

Le Quesnoy est une ville close,

Ce n'est pas Concarneau, il n'y a pas la mer,

Ce n'est pas non plus La Couvertoirade, on n'y domine pas le causse du Larzac.

Au milieu des vaches et des pommiers, c'est un chef lieu de canton rural : 5000 habitants aux confins de l'Avesnois et du Valenciennois. Depuis qu'il existe, il est habillé de remparts.

Ses premières fortifications remontent au XIIème siècle et au bien nommé Bauduin l'Edifieur.  Ensuite, les comtes de Flandre et de Hainaut, ont eu à coeur d'entretenir et améliorer ses défenses, même le célèbre empereur Charles Quint. En effet, Le Quesnoy n'est une ville française que depuis le traité des Pyrénées, sous le règne de Louis XIV. 

L'événement fut considérable pour la ville dont le roi confia à Vauban la charge de restaurer et compléter le réseau des remparts.

Le Quesnoy était l'une des nombreuses places fortes qui matérialisaient la frontière au Nord et à l'Est mais toutes les autres ont vu disparaître leurs murailles quand les siennes sont restées debout.

A quel hasard bienheureux devons-nous cette chance ?

 - A la révolution industrielle qui oublia d'atteindre Le Quesnoy.

La mine et les usines,  au dix-neuvième siècle, enrichirent les villes qui se mirent à grossir. Elles se sentirent à l'étroit dans leur murailles comme une grosse dame dans une ceinture trop étroite. Les changements  survenus dans les arts militaires leur donnèrent un bon prétexte pour araser les murs et combler les fossés. A leur place, les édiles tracèrent des boulevards et les quartiers d'habitation s'étalèrent. La distinction entre intra et extra-muros avait vécu.

Le grand chambardement laissa Le Quesnoy de côté. Faute de moyens pour les détruire, la ville conserva ses fortifications et resta une ville close, un monument historique...où je vais avoir la chance d'habiter une  petite maison blottie au pied du rempart.

L'avenir réserve d'autres plaisirs tels que la présence d'un théâtre et d'une médiathèque, équipements pas si fréquents pour une population de 5000 âmes.

C'est une chance, j'en suis bien consciente, la perspective d'une retraite heureuse.

Bon, quitter grand pour plus petit est un vrai chantier. Que la joie nous donne du courage pour le  déménagement.

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 15:35

    Toutes les filles l'ont entendu répéter dès leur enfance "Pour être belle, il faut souffrir" ; c'était l'argument préféré des mères au moment du démêlage des cheveux, rude épreuve qui faisait envier la brosse rase des garçons. A cet âge, aucune ambition esthétique ne justifie la douleur, mais, très vite et parfois dès la petite enfance, le genre féminin est disposé à supporter tous les sacrifices dans l'espoir d'embellir.

   Les féministes parlent d'aliénation au désir du mâle. Jugement discutable ; à moins d'être, lui-même,  soumis au diktat des apparences, l'homme est le plus souvent porté à  tourner en ridicule les acharnées de la mode et les obsédées de la balance. Régine, reine de la nuit, un peu experte dans le domaine, disait "Les hommes sortent avec les minces mais ils rentrent avec les rondes". Une chanson ne célèbre-t'elle pas  celles- qui

"auront appris

la cuisine

qui retient les petits maris

qui s'débinent".

   Bref, rien n'est simple, chacune doit se débrouiller avec des injonctions contradictoires. La quadrature du cercle, en l'espèce, réside dans le désir d'être très mince, à la limite de la maigreur, en arborant des rondeurs là où il faut, c'est à dire une poitrine avantageuse. 

Toutes celles, et elles sont nombreuses, qui ont, un jour, sacrifié au rite du régime savent que la première graisse à disparaître est celle des seins ; difficile de maigrir sans perdre ses appâts.

   Après un Moyen-Âge confortable et fonctionnel où le corps et son vêtement s'adaptaient aux nécessités du mouvement (homme ou femme devait être capable de monter à cheval), la  Renaissance vit apparaître le modelage de la  forme par le costume. Il fallait imiter des princesses royales épousées pour leur argent mais souvent chétives ou contrefaites. Ce fut l'éclosion des fraises et des corsets. Des siècles durant, pour affiner leur taille, les dodues ont porté une redoutable cuirasse, pendant que les maigres rembourraient leur corsage. L'illusion était pénible et médiocre. 

   En 1847, c'est la naissance de l'anesthésie qui se perfectionne rapidement, ouvrant à la chirurgie un avenir grandiose. On va pouvoir pratiquer des interventions où, sans elle, la douleur aurait tué le patient. La guerre de 14-18 et ses nombreuses gueules cassées vont lui procurer un vaste choix de cobayes. Quelques as du scalpel, plus aventureux et méticuleux que la moyenne, ne vont  pas se contenter de réparer le fonctionnel, ils vont s'efforcer d'améliorer l'aspect des résultats. De la chirurgie réparatrice, on passe à la chirurgie esthétique.

   Le vieux dicton est renvoyé aux poubelles de l'histoire, il n'est plus nécessaire de souffrir pour être belle. De son côté, la chimie, agacée de se voir supplantée par la chirurgie, se met en quatre pour séduire, proposer d'autres voies d'accès à la beauté. En fin de compte, le scalpel et l'éprouvette se partagent le marché.

   Qui dit marché dit argent, substance qui se marie difficilement à la santé, et les problèmes ne vont pas tarder.

    L'immense majorité des insatisfaites de leur corps voudraient maigrir. La solution est à la fois simple et difficile : il faut réduire l'apport calorique, manger moins ; plus facile à dire qu'à exécuter.

La chirurgie de l'amaigrissement existe : elle limite la contenance de l'estomac pour couper l'appétit. Le procédé, jugé barbare, ne trouve ses adeptes que chez les vrais obèses qui ont beaucoup de kilos à perdre. Pour les autres, des apprentis-sorciers de la pharmacie ont inventé différentes pilules-miracle dénommées coupe-faim.

A supposer que les kilos maudits aient disparu, la course à la beauté n'est pas terminée ; notre sac d'os a perdu sa poitrine.

Va-t'elle opter pour la reprise de la graisse perdue ? Évidemment, non.

Place à l'association du chirurgien et du chimiste, l'un va poser à l'intérieur du sein une prothèse que l'autre lui aura fournie.

Tout le monde devrait se réjouir, la patiente a la poitrine qu'elle attendait et les auteurs de sa transformation comptent leurs bénéfices. C'est oublier un peu vite que la santé ne se laisse pas réduire au silence pour le profit de quelques-uns ; elle se venge.

    Les séduisants coupe-faim s'avèrent toxiques et les prothèses mammaires ont une fâcheuse tendance à disperser leur chimie dans un organisme qui les rejette.

    Des écervelées sont capables de mettre leur vie en danger pour une beauté même pas garantie, et le monde s'indigne, horrifié : "Comment peut-on jouer avec la santé des gens, uniquement pour de l'argent ?"

     Que la motivation du professionnel de santé soit l'argent ou la gloriole, il faut lui rappeler qu'il a prêté le serment d'Hippocrate dont les premiers mots sont un engagement moral : Non nocere, ne pas nuire.

    Protéger, c'est aussi refuser d'accéder à un caprice déraisonnable

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 15:11

Non, je ne suis pas morte, juste débordée ... Le travail est, certes, nécessaire mais, parfois, il gène énormément! Il est seul responsable de mon actuel défaut d'assiduité. 

Tout va rentrer dans l'ordre bientôt. Vous pourrez me subir à nouveau.

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28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 23:58

 

                    Pour changer des cartes de voeux                                                                                                                                                                          

 

  Ouvrez,

les gens, ouvrez

la porte, je frappe au

seuil et à l’auvent, ouvrez,

les gens, je suis le vent qui s’habille

de

feuilles mortes.

Entrez, monsieur, entrez,

le vent, voici pour vous la cheminée

et sa niche badigeonnée ; entrez chez nous, monsieur

le vent.

 Ouvrez, les gens, je suis

la pluie, je suis la veuve en robe grise

dont la trame s’indéfinise, dans un brouillard couleur de suie. 

Entrez, la veuve,

entrez chez nous, entrez, la froide et la livide,
les lézardes du mur humide s’ouvrent pour vous loger chez nous. 

Levez, les gens, la barre en fer, ouvrez, les gens, je suis la neige, mon manteau blanc

se désagrège sur les routes du vieil hiver.  Entrez, la neige, entrez, la dame, avec vos pétales de lys

et semez-les par le taudis jusque dans l’âtre où vit la flamme.Car nous sommes les gens inquiétants qui habitent le Nord des régions désertes, qui vous aimons - dites, depuis quels temps ?

pour les peines que nous avons par vous souffertes.

 

 

 

 

Emile Verhaeren

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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 23:29

   La pub n'en rate pas une. Nous pensions avoir fait le tour du mauvais goût.

Erreur, l'imagination des publicitaires n'a pas de limite, un café s'offre le Lacrymosa du Requiem de Mozart dans l'indifférence du public qui ne l'a pas reconnu et, de toute façon, ignore ce qu'est un requiem.

Drôle de début pour de joyeuses fêtes. Voilà que l'actualité lui emboîte le pas.

    D'abord Cesaria Evora tire sa révérence en nous laissant un répertoire de chansons tristes. Au moins, il ne sera pas difficile de trouver de la musique pour ses funérailles. Elle sera regrettée dans le monde entier et surtout aux îles du Cap Vert. Sans elle, beaucoup n'en auraient jamais entendu parler.

    Ensuite, nous apprenons la mort de Vaclav Havel, écrivain tchèque, auteur de théâtre, résistant, fondateur de la Charte 77, européen convaincu et président libérateur de son pays. Sa mort n'a pas été une surprise , on le savait malade depuis longtemps, mais elle est de celles qui font répéter "C'est toujours les meilleurs qui partent". C'est une triste nouvelle.

    Les fêtes de Noël commencent vraiment mal avec ces deux disparitions. Et voilà qu'elles sont immédiatement suivies d'une troisième... qui ne chagrine pas grand monde : Kim Jong Il, le clown sinistre qui terrorise la Corée du Nord.

Pas de chichis ni faux semblants, nous avons accueilli la nouvelle avec un grand sourire. Comment regretter un dictateur capable d'affamer son peuple pour répondre à sa folie des grandeurs ?

Bon débarras, c'est entendu, mais passé le mouvement de satisfaction, que sera la suite ?

En apparence, la vie continue comme prévu. La Corée du Nord est une dictature héréditaire ; le successeur  désigné est un fils du défunt, celui qui ressemble le plus à son père. A ce défaut rédhibitoire, il faut ajouter sa jeunesse et son inexpérience, d'après ce qu'on peut en connaître.

  L'histoire de tous les continents est hantée par le souvenir de ces successions difficiles, de nos Rois Fainéants au dernier empereur de Chine. On se rappelle que des régentes ambitieuses, des maires du palais et des eunuques de cour ont dominé la politique de leur temps ; il leur a suffi d'entretenir et exploiter la faiblesse d'un jeune roi transformé en marionnette. Ils lui fournissaient des femmes ou des garçons, de l'alcool, de la drogue ; en échange, ils récupéraient le pouvoir.

   De nos jours, ces personnages hauts en couleur ont laissé la place à des conseillers civils ou militaires qui n'ont pas forcément plus d'abnégation. On peut compter sur eux pour s'occuper dignement de l'héritier nord-coréen. Rien de changé, à un détail près : la bombe.

Car ce pays de toutes les horreurs détient l'arme nucléaire. Qu'elle soit dans les mains d'un autocrate est déjà peu engageant mais qu'elle devienne l'enjeu de coups d'état et autres révolutions de palais a de quoi semer la panique. En bref, la mort de Kim Jong Il, loin de nous  débarrasser d'un problème, va rendre la vigilance encore plus nécessaire.

   Le Requiem revient à la mode. Pour ne pas en être réduits à pleurer et chanter Lacrymosa, il faut réagir. Nous sommes en plein Dies irae : jour de colère.

   Décidément, curieux Noël.

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15 décembre 2011 4 15 /12 /décembre /2011 20:47

     Un encart Nord dans le Monde, ce matin, nous rappelle que la grande attraction du futur LOUVRE LENS sera "La Liberté guidant le peuple" de Delacroix.

Désolant...

  J'imagine les protestations des indignés en tous genres, des moralistes et des censeurs. A leurs yeux, l'arrivée du tableau dans les mines du Pas-de-Calais rétablirait la justice ; pourquoi l'art serait-il un monopole la capitale ?

  Qu'ils se rassurent, personne ne songe à dénigrer la région et je l'affirme avec Aragon, vouloir la culture populaire, c'est penser que le peuple mérite le meilleur. L'ouvrier (ou le chômeur) lensois a le droit de poser son regard sur les oeuvres d'art les plus prestigieuses.

   Ah ! S'il était question d'exposer  "La Liberté guidant le peuple", il faudrait applaudir sans réserve mais le projet n'est pas celui-là, il s'agit de l'installer à demeure à Lens, d'y poser, en quelque sorte, son domicile.

Or, rien dans ce tableau n'évoque le pays lensois. On y voit une scène de la vie parisienne, une barricades des Trois Glorieuses et un gamin en qui tout spectateur reconnaît Gavroche... bien loin du Pas-de-Calais.

   Ce gamin de Paris serait mieux chez lui ; il ne doit pas être très difficile de le remplacer par un autre tableau moins  évocateur qui supporterait mieux le déplacement.

  Les gens du Nord lui sont déjà fort attachés, très honorés de la venue de cette Liberté. Il leur sera bien difficile

de supposer à ce choix des motifs moins prestigieux.

  Et pourtant ...

  En art aussi, la mode fluctue et Delacroix n'a plus la cote, comme tous les peintres en grandes fresques historiques.  Bien sûr, ses tableaux sont inestimables, invendables, mais ils sont regardés comme les témoignages d'une époque, des documents. Les amateurs d'art parisiens n'ont plus un regard pour ces tableaux facilement qualifiés de "pompiers", ils ne protesteront pas au départ d'un Delacroix.

   Et voilà comment un gamin de Paris aura le droit d'être exilé hors du pays natal, dans une région où il n'a pas de sens..

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5 décembre 2011 1 05 /12 /décembre /2011 11:55

http://www.culture.gouv.fr/culture/noel/imatges/stnitour.jpg

...qui s'en allaient glaner aux champs

Sont arrivés chez le boucher

"Boucher, voudrais-tu nous loger ?"

- "Entrez, entrez, petits enfants,

Y a de la place assurément"...

C'est le début de la chanson de St Nicolas, dans la même philosophie que le petit Poucet ; des enfants réduits à la mendicité s'arrêtent chez un boucher pour quémander le gîte et le couvert. Ils sont bien reçus mais leur hôte ne les attire que pour leur viande. Il les tue et les coupe en morceaux qu'il met au saloir.

C'est une histoire abominable qui repose sur des faits historiques. Lors des grandes famines (dont l'Europe occidentale ne s'est débarrassée qu'avec l'adoption de la pomme de terre), on signalait régulièrement des cas d'anthropophagie. Le gibier le plus facile à prendre était les enfants ; affamés, ils étaient attirés dans une maison par une pomme ou un morceau de pain, il suffisait de refermer la porte sur eux ...

Heureusement,

Alors vint à passer par là

Le bon, le grand St Nicolas

qui devine le drame qui vient de se produire, recolle les morceaux des enfants et leur rend la vie. En souvenir de cet exploit, Saint Nicolas est honoré comme le saint protecteur des petits enfants.

Son culte est particulièrement vivace dans l'Europe du nord et le monde germanique, destin étonnant pour un évêque d'Asie Mineure. Même les protestants, peu enclins à honorer les saints, sacrifient au rite de la St Nicolas.

Le 6 décembre, les enfants ont droit à une sorte d'avant-goût de Noël. Le bon évêque, en grande tenue mais juché sur un âne, part en tournée pour distribuer des friandises aux enfants sages. Pour encourager l'esprit de justice des enfants, il est escorté de son double punisseur, le Père Fouettard qui est censé appliquer des coups de martinet aux enfants désobéissants. Comme les marmots ont toujours quelque-chose à se reprocher, ils essaient de s'attirer les bonnes grâces de l'évêque pour éviter son acolyte. Le 5 au soir, ils déposent prés de la porte un verre de vin ou d'alcool (suivant la production locale) pour St Nicolas et une carotte pour l'âne. Le matin, quand ils se lèvent, le verre est vide et la carotte disparue, preuve que le saint est bien passé pendant la nuit. A la place, il a laissé des friandises.

Le moderne Père Noêl n'est qu'un copié-collé du vieux Saint Nicolas. Les rennes remplacent l'âne et le rejet presque unanime des châtiments corporels a fait disparaître Fouettard mais la ressemblance est frappante.

Les nostalgiques regrettent le passage. Père Noël est souvent marqué d'un certain mauvais goût, du clinquant, du toc auquel Nicolas (enfin..., celui de la chanson) échappait. 

Quand les enfants sont grands ...? Ils oublient le saint et son âne ?

Bien sûr, mais les étudiants des universités nordistes continuent à célébrer Saint Nicolas.

Plus de baudet ni de martinet. Il reste l'alcool qui coule à flot dans le gosier des fêtards. Enorme défouloir qui clôture les bizutages, Saint Nicolas aurait bien du mal à se reconnaître.

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1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 17:00

   Faisons retour vers une époque injustement méprisée : le haut moyen-âge, la  fusion de Rome et des "barbares", un temps qu'on dit sauvage mais qui fut une vraie pépinière de saints.

La dynastie de Clovis, ces pauvres rois mérovingiens, très obscurs et largement oubliés, on ne leur fait pas de cadeaux.

Leur image est celle de rois fainéants et c'est injuste. Ils ont joué de malchance ; de père en fils, ils mouraient jeunes, léguant la couronne à des rois enfants incapables de régner, dominés par leurs mères, elles-mêmes jouets des puissants ou des religieux.

Au plus fort de l'anarchie, un seul règne a surnagé, efficace et durable : celui de Dagobert. Hélas, lui non plus n'a pas eu de chance avec la mémoire et la tradition. La célébrité de ce grand inconnu est résumée dans une chanson

"Le bon roi Dagobert

avait mis sa culotte à l'envers.

Le grand St Eloi

Lui dit "Ô mon roi

Votre majesté

est mal culottée"

"Bah, bah, lui dit le roi,

Je vais la remettre à l'endroit."

Dagobert ne risquait pas de mettre à l'envers une culotte qui n'appartenait pas à la garde-robe de son temps et il ne parlait pas chiffons avec Eloi, ils avaient entre eux des conversations bien plus importantes. Saint Eloi était ce qu'à notre époque, nous appellerions un premier ministre, doublé d'un évêque et d'un super-intendant.

    Les rois mérovingiens avaient un faible pour les métaux précieux, surtout l'or et les pierres de couleur ; c'est la grande époque des émaux cloisonnés, on dore et sertit tous les emblèmes du pouvoir. La Légende Dorée nous raconte que Dagobert remit un sac d'or à son ministre pour lui fabriquer un trône. Eloi exécuta le travail et remit au roi l'objet de sa commande avec la moitié du métal confié, il n'avait pas utilisé la totalité.

     Le ministre en acquit une solide réputation de probité, un bon point en vue de sa canonisation future.  Parmi ses contemporains, il se trouva probablement des petits malins pour se moquer de lui : qu'avait-il besoin de rendre l'or ? Personne n'aurait été capable, en observant le trône, de chiffrer la quantité  réellement utilisée. Qu'importe, Eloi était honnête et fidèle au roi.

Fidèle ne veut pas dire complaisant. Le ministre intègre faisait remarquer au roi toutes les actions qui lui semblaient contraires à la morale et à un bon gouvernement, mais, à quoi tient la célébrité ? Sa carrière posthume de saint populaire repose, avant tout, sur l'épisode du trône d'or. Eloi devint le saint patron des orfèvres comme en témoigne la "chanson des trois orfèvres" qui n'est pas un cantique ; c'est une paillarde célèbre, elle n'aurait certainement pas choqué un évêque habitué aux moeurs polygames de Dagobert et sa cour.

     Un saint populaire draine des foules de fidèles, les orfèvres n'ont jamais été assez nombreux pour un effet de masse. Heureusement pour lui, ses adeptes passèrent de l'or aux modestes ferrailles, il fut adopté par tous les métiers de la métallurgie. Cela commence à faire du monde mais ce n'est pas fini ; c'est avec le métal qu'on laboure la terre et qu'on ferre les chevaux, voilà Saint Eloi invoqué par les agriculteurs qui ont longtemps formé la masse de la population.

     Et aujourd'hui ?

Le culte de Saint Eloi a beaucoup décliné, on n'est même plus vraiment sûr de sa sainteté. Le 1er décembre, jour de St Eloi depuis des temps immémoriaux, est devenu Ste Florence. C'est plus glamour, plus politiquement correct, mais le peuple amateur de traditions ne n'y retrouve pas.

Alors, n'en déplaise au Vatican et à l'entreprise moderne, le peuple des métiers, dans les pays du Nord, est toujours adepte de tous-les-saints-qu'on-boit. Il continue à banqueter en l'honneur de St Eloi et à chanter :

"Non, non, non, Saint Eloi il n'est pas mort !

Non, non, non, Saint Eloi il n'est pas mort !

Car il bande encore , car il bande encore!"

Depuis la culotte du roi Dagobert, nos centres d'intérêt n'ont pas vraiment changé.

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