Bonne fête aux Catherine que nous embrassons.
Catherine est le prénom de plusieurs saintes, celle du 25 Novembre vécut au IVème siècle à Alexandrie, elle fut vierge et martyre (encore une !).
A quoi doit-elle son incroyable succès ? La question reste posée ; pour terrible qu'elle fut, son histoire est commune à beaucoup de chrétiennes des premiers siècles. Elle connut la chance posthume d'être la patronne de populations aussi nombreuses que variées : les étudiants, les philosophes, les meuniers et les charrons.
La dévotion de ces derniers s'explique facilement par la mort de Catherine qui fut livrée au supplice de la roue. N'allons pas imaginer qu'elle fut rouée comme des bandits du XVIIème siècle français ; on les attachait, couchés sur une roue ; méthodiquement, on leur brisait tous les os un par un et ils agonisaient pantelants dans des douleurs abominables, à moins que la famille du condamné n'ait pris la précaution de soudoyer le bourreau pour qu'il l'achevât subrepticement, abrégeant ses souffrances.
L'imagination des Alexandrins en matière de supplices n'était pas complètement nulle, ils ne se contentaient pas d'assommer les gens par des vers de douze pieds avec hémistiche, ils faisaient de la roue un usage pour le moins différent. Ils en garnissaient le bandage de lames acérées et la faisaient rouler sur la victime rapidement apprêtée en émincé, mais les archives ne nous disent pas si un assaisonnement était prévu.
Catherine ayant donc fini en Kebab, sa brillante carrière commençait, particulièrement en France où elle connut des variantes régionales.
Dans les grandes villes et d'abord à Paris, Sainte Catherine est traditionnellement la fête des jeunes filles qui travaillent dans les métiers de la mode. Autrefois, l'une d'entre elles était désignée pour changer, à l'occasion de sa fête, le bonnet qui coiffait la statue de la sainte. On pense que c'est de cet usage que vint l'habitude d'arborer, le soir de Sainte Catherine, de véritables chapeaux de carnaval confectionnés tout exprès. S'y rattache également l'expression "coiffer Sainte Catherine" qui désigne une célibataire de vingt-cinq ans, âge où il a été longtemps admis qu'il était grand temps de se trouver un mari.
En Belgique et dans les pays du nord, on aime la fête et on se précipite sur toutes les occasions d'en célébrer. Une expression locale ne dit-elle pas "On est de tous les saints qu'on boit" ?
Une fête réservée aux couturières de vingt-cinq ans, voilà qui fait pauvre et étriqué. Toutes les jeunes filles sont des "catherinettes". Héritage des pays bas et germaniques, les enfants des deux sexes reçoivent des cadeaux à St Nicolas jusqu'à l'entrée au collège ; ensuite, les garçons continuent à le fêter, à moins qu'ils n'entrent en apprentissage, auquel cas ils adoptent le saint patron de leur métier. Les filles, de leur côté, célèbrent Sainte Catherine.
Toutes les traditions se perdent ou s'affaiblissent, celles-là aussi, mais il n'est pas si lointain le temps où les "catherinettes" se livraient à une véritable compétition pour être celle qui recevrait le plus de cartes postales à l'occasion de la fête. Et, surtout, il y avait les cadeaux dont il était question avant, pendant, après ... Ils étaient le point d'orgue de la journée.
Celles qui ont connu la distribution traditionnelle se rappellent à quel point il était difficile de "sortir des clous". La Ste Catherine faisait partie du conditionnement des filles à leurs futures activités ménagères ; elles recevaient de la vaisselle, du linge de maison, de l'électro-ménager, pour, selon l'expression consacrée, "monter leur ménage". Bien adaptées à entrer dans le moule, elles étaient souvent enchantées malgré les récriminations maternelles (le problème du stockage était réel pour les mères qui avait plusieurs filles !)
Quoi qu'il en soit, il n'était pas question de demander un autre cadeau. Les quincailliers et autres professionnels des "Arts de la table" regrettent certainement la déperdition de cet usage. Peut-être auraient-ils dû offrir un culte plus fidèle à Ste Catherine qui les couvrait de tant de bénédictions.