Il était, aux temps mérovingiens, un saint Samson, celte et très convenable comme tous ses semblables.
Saint Samson de Dol est l'un des saints fondateurs de Bretagne, né au Pays de
Galles et mort, évêque de Dol vers 565.
Manque de chance pour lui, c'est aussi un handicapé patronymique, il a dû affronter la concurrence de notoriété d'individus beaucoup plus inquiétants.
Le plus ancien est le fameux Samson biblique, rendu célèbre par ses déboires amoureux et capillaires avec une certaine Dalila. Les amateurs d'exégèse se reporteront avec profit au
"Livre des Juges" de la bible hébraïque.
Plus brièvement, si un résumé à ma sauce vous suffit, Samson bénéficiait d'un accord avec Dieu : il était invincible à condition de respecter quelques règles qui plaisaient à l'Eternel. Entre
autres, il ne devait ni boire d'alcool, ni couper ses cheveux.
En ce temps-là, les Hébreux étaient, comme d'habitude, en guerre contre les Philistins, des voisins chercheurs d'histoires qui habitaient Gaza (on s'y croirait ...l'histoire est un éternel
recommencement.) Ils n'osaient pas se frotter à Samson qui leur faisait un peu l'effet d'Obélix sur les légions romaines.
Depuis Eve, dans ce coin du monde, la femme est toujours l'agent du démon. De Gaza vint l'ensorceleuse Dalila (la Falballa des Philistins). Elle séduisit ce grand benêt de Samson, le fit boire
et, pendant qu'il cuvait l'alcool auquel il n'était pas accoutumé, elle lui coupa les cheveux. L'Eternel, pas content, laissa tomber l'imbécile devenu vulnérable ; les Philistins lui crevèrent
les yeux et le réduisirent en esclavage dans la ville de Gaza. Ils avaient marqué un point mais, comme ils n'étaient pas non plus très intelligents, il n'entretinrent pas la coupe des cheveux
qui, tout naturellement, repoussèrent.
C'est à ce moment de l'histoire que Samson montra plus de finesse que ses ennemis. Sentant la force lui revenir avec la longueur des mèches, il attendit, sans rien montrer, d'être mené pour
servir dans le palais bondé de foule lors d'une cérémonie. Il appuya ses mains aux deux montants de la porte monumentale, le linteau s'effondra, entraînant toute la construction. Il n'y eut
pas de survivants, ni Samson, ni Dalila, ni les gens de Gaza, mais tout est bien qui finit bien pour le peuple hébreu et pour l'Eternel qui a montré sa puissance.
Pour notre évêque breton, le colosse chevelu est un concurrent haut en couleurs mais pas rebutant. La suite fut bien pire.
Aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, une famille dont le patronyme était Samson exerça un monopole aussi craint que respecté, la fonction de bourreau. Ils en ont eu du travail,
les Samson, avec tous les criminels à occire et, surtout, la création et la mise au point de la guillotine. Ils étaient de grands professionnels, soucieux du travail bien fait, mais, allez savoir
pourquoi, ils faisaient peur aux braves gens. On allait jusqu'à poser leur pain à l'écart, sur l'étal du boulanger. Pour le reconnaître, il était retourné, sole en l'air ; depuis, c'est une
superstition de dire "cela porte malheur" quand on s'avise de poser le pain à l'envers, mais bien peu connaissent l'origine de ce geste de recul.
Notre saint breton est la victime innocente de ces aléas. Son prénom est tellement discrédité qu'il ne se trouve plus grand-monde pour en affubler ses marmots. Seuls, quelques
catcheurs et lutteurs de foire choisissent de s'appeler Samson, dans l'intention manifeste de faire peur.
S'il vient, un jour, à se créer une association de handicapés patronymiques, ses fondateurs pourront la placer sous le patronage de Saint Samson.