A l'origine, l'homme se nourrissait de ce qu'il trouvait : des plantes sauvages, des insectes et ... des charognes (ne soyons pas dégoûtés, ça ne court plus, c'est facile
à attraper.)
Un loup est plus intelligent qu'un mouton, les nourritures carnées ont favorisé le développement du cerveau humain ; l'homme devient créatif. Il invente des outils et des armes qui
lui permettent d'améliorer encore son alimentation. De charognard, il devient chasseur puis il maîtrise le feu et devient cuisinier.
La traque du gibier occupe les mâles pendant que les femelles, ralenties par les marmots, continuent à ramasser baies et champignons pour assaisonner et compléter la viande. Le voilà bien
parti, promis à un bel avenir, comme dit l'expression consacrée.
Mieux nourrie, la population augmente ; elle rencontre le grand problème des chasseurs-cueilleurs : l'espace. Plus il y a de monde à faire manger, plus le
territoire de chasse doit s'étendre, mais un chasseur qui n'a que deux pieds pour se déplacer trouve rapidement ses limites.
Toujours inventif et contraint par la nécessité, il expérimente des solutions qui aboutiront à l'agriculture et l'élevage.
Le sol, le climat et la quantité de bouches à nourrir déterminent le choix des espèces domestiquées.
Une population nombreuse sur une bonne terre cultive et améliore les céréales et d'autres plantes comestibles.
On n'emporte pas un champ ; en attendant sa récolte, le cultivateur ne suit plus le gibier, il devient sédentaire. Il pratique l'élevage mais préfère les animaux faciles à garder captifs. Ils
fournissent la viande, le cuir et, très vite, le lait.
En revanche, les contrées arides, froides ou brûlantes se prêtent mal à la culture. Des populations clairsemées s'y consacrent à un élevage extensif, se déplaçant au gré de l'épuisement des
pâturages, impératif de mobilité qui fait du nomade un dresseur de chevaux.
Si les deux modèles ne se rencontraient pas, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais c'est le propre des nomades de se déplacer ; ils entrent en contact avec des
agriculteurs sédentaires et c'est le conflit.
Dans tous les régimes de propriété, collective ou personnelle, l'agriculture suppose le respect des plantations. Au Moyen-âge, posséder ne signifiait pas, comme aujourd'hui, le
droit d'user et abuser sans restriction ; plusieurs usagers pouvaient détenir sur une même terre des droits différents. On se rappelle les fameux "droits communaux" qui permettaient à tous les
habitants d'un village de faire paître leurs animaux sur tous les champs, une fois les récoltes ramassées, mais le travail du laboureur devait être respecté, pas question de toucher aux cultures
non récoltées, la survie alimentaire du groupe était en jeu. Le paysan était, c'est logique, fort attaché au respect de ses plantations ; ce fut même un des griefs les plus reprochés aux chasses
de la noblesse d'Ancien régime.
Alors, les nomades qui se servent, eux et leurs bêtes, en traversant le pays, laissent forcément un souvenir désastreux. Le Viking était bon marin et administrateur, on a fait du commerce avec
lui, mais on l'a oublié ; ne reste que le souvenir du bétail emporté et des récoltes dévastées.
Par chance, les invasions ne sont que des épisodes, il y a des temps de paix ; mais le sédentaire reste méfiant à l'égard du nomade. Le rôle du vandale dont il faut se garder échoit à ceux
qu'il est convenu d'appeler les "Gens du voyage".
Ils ont reçu les vieilles terreurs en héritage et ne semblent pas faire beaucoup d'efforts pour changer de réputation. On ne les traite plus de voleurs de poules ou de jeteuses de sorts
(quoique...) mais on ne peut éviter certaines remarques : les aires que le législateur a prévues pour eux sont régulièrement saccagées aux frais du contribuable, ils trimballent avec eux tout le
confort moderne mais ils volent l'électricité dont ces appareils ont besoin. Ceux qui ont le plus de mal à supporter leurs multiples incivilités sont les plus pauvres des sédentaires.
Le chaudron bouillonne ; la moindre altercation dégénère en émeute.
C'est probablement ce vieil affrontement qui explique pourquoi il s'est trouvé si peu de sauveteurs pour les tsiganes exterminés par les nazis.
Il s'est trouvé des "justes" pour sauver des juifs, pas assez, mais ils ont existé. Pour venir au secours des tsiganes ...ils étaient poussière de rien, inexistants ou presque. L'abandon
d'une population menacée de mort est absolument condamnable ; on ne doit jamais le justifier.
Comprendre n'est pas accepter mais il faut expliquer pourquoi le pire est arrivé et risque de se reproduire.