"Sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde"... Les esprits chagrins diront "fallait s'y attendre", d'autres, jugeant plus prudent de ne pas se mouiller, joueront la
surprise. Chacun va s'esbaubissant : le panzercardinal devenu Benoît XVI s'est converti sur le tard à la pensée Brassens ; effet de la
vertu sacrée de l'onction pontificale, peut-être...
Résumons : dans les années 60, l'église catholique en crise a tenu une A.G ...- pardon, je me trompe de registre - le concile Vatican II ( c'est amusant de signaler qu'à part les
spécialistes, personne ne se souvient des décisions prises par Vatican I, mais ne nous égarons pas ).
L'air du temps, dans toute la société, était au grand chambardement, à la modernité affichée. En conservant le dogme, il fallait casser tout le reste pour faire jeune. Le dépoussiérage
des rites donna dans le spectaculaire. La messe en latin fut mise au rancart. L'affaire prit un tour plus délicat que prévu dans quelques vieux pays, en particulier la France, où des clans
politiques réactionnaires firent mine de croire que la révolution était en marche dans la liturgie en français. La messe en latin devint l'étendard des intégristes les plus bornés et la curie
romaine contestée réagit par l'intransigeance. Ce qui aurait dû rester une tempête dans un verre d'eau était devenu un maelström. Tout le monde était bien avancé. Les problèmes qui
avaient suscité la réunion du concile, entre temps, ne s'étaient pas arrangés, les nouveaux fidèles attendus n'étaient pas au rendez-vous et les anciens boudaient. Brassens chantait :
..."En renonçant à l'occulte,
faudra qu'ils fassent tintin,
sans le latin, sans le latin,
pour le denier du culte"...
Il fallait bien, un jour, reposer les pieds sur terre, reconnaître publiquement l'insignifiance de la querelle et laisser les croyants prier dans la langue de leur choix. Le vieil entêté
Jean-Paul II (Jeanpolski, pour les intimes) n'avait jamais pu s'y résoudre ; son successeur l'a fait ; en échange de quoi ? Les fidèles verront bien ... il y a un temps pour tout.
Et les incroyants, qu'ont-ils à faire de ce qui aurait dû rester une question propre aux adeptes de la secte ?
A l'encontre des apparences, il s'y trouve, à tout prendre, quelque intérêt.
A nouveau, il va résonner de la musique de qualité dans les endroits et les circonstances prévues pour elle. Evoquons la corvée que nous subissons lorsque la bienséance, les usages
requièrent notre présence à des cérémonies de mariage ou de funérailles qui se déroulent à l'église. Si nous ne pouvons trouver aucune bonne raison pour nous défiler, il faut subir. Depuis
que la messe en français est en vigueur, il faut bien admettre que les amateurs attendent toujours le compositeur de génie qui les attirera à l'église. Les oreilles de Dieu doivent être bien
résistantes pour supporter les compositions laborieuses des vicaires et autres chefs scouts qui se croient musiciens parce qu'ils grattouillent leur guitare de débutant. En interdisant la messe
en latin, on nous a privés de somptueuses messes de requiem qui faisaient bien patienter. Et puis, les oeuvres de Bach furent écrites pour être jouées dans des églises, pendant des offices
religieux, pas pour tournicoter dans nos lecteurs CD devant nos canapés avachis.
Alors bon, les affaires de la religion caholique ne regarderaient pas les incroyants ?
La religion figure au nombre des bâtisseurs de notre culture, que nous le voulions ou non. Avant de débarrasser les
ruines, nous devons sauver ce qui peut l'être.