Ariel Sharon fut la victime d'un AVC foudroyant, il y a 8 ans. A l'époque, la mort paraissait imminente mais il a tenu jusqu'au 11 janvier 2014. C'était donc un coma de longue durée, beaucoup ont eu le temps de l'oublier. Pour rafraîchir les mémoires, le jour de son départ, les journaux vont enfin sortir la nécrologie qu'ils ont eu tout le temps de fignoler. N'ayant aucune prétention à les concurrencer, ces quelques lignes ne vont pas raconter l'existence du défunt, juste rappeler qu'en l'abattant, la faucheuse a joué un vilain tour à la paix.
J'entends les cris d'orfraie : " Mais Sharon n'était pas un homme de paix, c'était un guerrier de l'espèce la plus brutale !" (pour complèter le tableau, avec la plus parfaite mauvaise foi, ressortiront les massacres de Sabra et Chatila où Sharon fut coupable d'avoir regardé ailleurs pendant que les phalangistes, pour couper court à l'installation d'un véritable état palestinien au cœur du Liban, procédaient au nettoyage des deux camps).
Arik, ainsi que ses amis appelaient Ariel Sharon, fut d'abord un fameux guerrier, sauveur d'Israël en position délicate lors de la guerre de kippour.
Après une longue et brillante carrière dans l'armée, il se convertit à la politique et devint premier ministre à l'âge de 73 ans. C'était un temps de tension et d'explosions. La colonisation était le principal obstacle à toute tentative d'accord, la paix semblait une chimère d'autant que Sharon était le chef du Likhoud, le parti de droite qui soutenait les colons sans réserve.
C'est alors qu'il déjoua toutes les prédictions.
Il s'était rendu à la certitude qu'il ne serait pas possible indéfiniment de refuser un état aux palestiniens. Le va-t-en-guerre, le faucon, décida qu'il fallait relancer des négociations au point mort. Il faudrait lâcher du lest sans abandonner l'essentiel. En vrai pragmatique, il fit le tri des colonies. Pour lui, certaines implantations n'avaient pas une importance primordiale et leur situation les rendait trop difficiles à défendre. Ce n'était pas un juif religieux mais il connaissait assez les Ecritures pour renoncer sans trop de peine aux colonies de la bande de Gaza. Même aux temps bibliques, Gaza n'appartenait pas aux juifs ; c'était la terre des Philistins, des voisins incommodes (...à croire que l'histoire est un éternel recommencement).
Les colons furent donc priés de quitter le groupe d'implantations nommé Gush Katif. Ils protestèrent, manifestèrent et, en fin de compte, cédèrent.
Beaucoup se demandent comment il a réussi à faire plier ces colons habituellement si accrochés à leurs possessions. Ils n'avaient pas le choix, le soutien de leurs concitoyens allait à la politique d'ouverture de Sharon. Les Israéliens qui venaient d'élire un homme de droite, partisan de la manière forte, accompagnaient son revirement. Il pouvait leur demander ce qu'ils auraient refusé à tout autre.
L'explication ? Sans faire de psychologie de bazar, c'est parce qu'il avait fait la preuve de sa force qu'il inspirait la confiance et pouvait chercher la paix.
C'est alors que la maladie vint donner un coup d'arrêt à la décolonisation qui n'a toujours pas repris.