Dans "Le Monde" (page 13), un tableau comme les statisticiens en sont fous, nous présente l'invincible tendance à la hausse des tarifs des médecins spécialistes, de plus en plus souvent classés en "honoraires libres".
Personne n'aime payer les soins plus cher, surtout quand l'assurance maladie déclare forfait.
Le public, en grognant, doute que ces suppléments soient justifiés.
En général, il accepte les augmentations dues à l'utilisation de technologies coûteuses ; dans ce cas, ce qu'il a du mal à accepter, ce sont les franchises et autres déremboursements.
Il est beaucoup plus critique à l'égard du prix des consultations-entretiens qui suivent la même courbe.
Et si la question se posait autrement ?
Il n'est pas incongru de se demander s'il est toujours bien nécessaire d'avoir recours à un spécialiste.
Le médecin traitant est médecin, souvent de médecine générale, ce qui n'est pas inférieur aux autres spécialités ; beaucoup semblent l'oublier. On voit des parents se précipiter chez un pédiatre dès que le petit a éternué ou mal dormi ; est-ce bien nécessaire ?
La dernière réforme instituant le médecin traitant était clairement prévue pour nous faire perdre cette mauvaise habitude. Pour une fois, c'était une bonne mesure qui ne frappait pas l'usger au portefeuille mais il semble que l'effet produit soit exactement l'inverse. Comme pour les médicaments génériques dédaignés, le patient ronchonne devant les augmentations mais il repousse toute solution qui ne soit pas hors de prix. Comprenne qui pourra ...
L'habitude bien française de foncer directement chez un spécialiste n'est pas uniquement coûteuse, elle est à l'origine d'errances médicales qui peuvent nuire à l'effet recherché.
Un exemple au hasard : moi !
J'ai bénéficié très longtemps d'une apparente santé de fer, je voyais rarement un médecin, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Néanmoins, de plus en plus gênée par des sensations de lourdeur et des douleurs dans les jambes, dans la bonne tradition française, j'ai évalué moi-même la situation et j'ai foncé chez un phlébologue en lui demandant de soigner mes troubles circulatoires. C'était son job ; il a donc procédé au travail qui lui incombait. Je vous passe le détail de toutes les séances ; arrivée au bout du traitement, à sa question de savoir si je me sentais mieux, il a bien fallu que je réponde par la négative.
"J'ai fait tout ce qui était de mon ressort. Si vous souffrez toujours, il faut chercher dans une autre voie. Vous devriez en parler à votre médecin généraliste" Ce fut le conseil plein de bon sens que j'aurais mieux fait de mettre en pratique au départ.
Après quelques examens dont je vous ferai grâce, il s'est avéré qu'en fait de troubles circulatoires, je souffrais d'une sclérose en plaques dont il n'aurait pas été inutile de s'occuper plus tôt.
Bien fait pour moi ! mais je ne prends pas mon cas pour une exception. Le recours, en première intention, à un spécialiste est le plus souvent injustifié et parfois nuisible.
Dans l'inflation tarifaire, le patient n'est pas seul responsable. Le médecin traitant et son carnet d'adresses y tiennent leur place.
Voyons le cas du malade qui doit subir une intervention chirurgicale. En général, il compte sur son médecin traitant pour lui indiquer l'établissement où il pourra se faire opérer. Dans un trop grand nombre de cas, le médecin donne l'adresse d'une clinique privée où tous les intervenants (comme un hasard) pratiquent des honoraires avec dépassements. Il oublie trop souvent de signaler au malade que l'hôpital d'à côté assure les mêmes soins au tarif de l'assurance-maladie. L'hôpital est le grand sacrifié tout juste bon à rendre les services coûteux dont la médecine privée ne veut pas.
Nous ne retournerons pas le couteau dans la plaie en ajoutant que ces cliniques si chaleureusement défendues n'ont aucun mal à dépasser l'hôpital dans le nombre de maladies nosocomiales transmises aux patients.
Payer plus cher pour être moins bien soigné. Il semble que ce soit la nouvelle règle.
Les patients ne doivent pas s'improviser médecins mais ils ne doivent pas rester passifs. L'économie de la santé n'est pas le domaine réservé des seuls professionnels. Tout le monde a son mot à dire.
Le cochon de payant doit, au minimum, demander des explications, en obtenir et savoir dire NON.