L'Eglise a placé des hommes-clefs auprès de la noblesse féodale. Son influence grandit, son autorité morale est de plus en plus difficile à contester ; il lui reste à trouver le
moyen de dicter aux nobles leur politique.
Il faut peser sur l'essentiel.
Et l'essentiel pour les hommes des temps féodaux, c'est transmettre.
Ce qu'on a reçu de son père on doit le transmettre à son héritier, si possible augmenté mais jamais diminué. On ne peut acheter des domaines pour s'agrandir, la propriété au sens moderne
n'existe pas ; à la terre s'attache une foule de droits qui peuvent être détenus par des titulaires différents. Lorsqu'un seigneur donne à un monastère le droit de coupe sur un bois, il y
garde néanmoins le droit de chasse ou de pacage, droit qu'il pourra attribuer à d'autres, mais la parcelle est toujours dans son fief. Le pouvoir réside dans le droit de
disposer.
Dans nos manuels scolaires, on nous a bien fait sentir à quel point le serf était maltraité, lié à sa ferme sans pouvoir choisir une autre vie. Relativisons : ce qui est contrainte est aussi
une garantie ; le paysan ne peut être expulsé, le chômage n'existe pas, ce qui laisserait rêveurs bien des ouvriers modernes ; et son seigneur n'est pas plus libre, lui aussi est
définitivement lié à un domaine qu'il ne peut aliéner.
Ne nous égarons pas et revenons à notre sujet, comment s'agrandir si on ne peut ni vendre ni acheter ?
Les deux manières les plus usitées sont la guerre et le mariage.
La guerre est évidemment un bon moyen de n'en faire qu'à sa tête et d'imposer son point de vue, mais, incessante et endémique, c'est une cause d'anarchie et de ruine qui atteint toute la
société ; lorsque le paysan crève, la noblesse et le clergé s'appauvrissent et leurs ambitions rétrécissent. Et puis, ça ne fait pas très chrétien.
L'Eglise, la première, se lance donc dans une entreprise d'éradication de la guerre, c'est à dire de la guerre entre féodaux. il faut garder ouverte la possibilité de se battre au
nom de la foi ; ménageons l'avenir.
Le clergé ne se fait pas d'illusions, il sait qu'il est impossible d'interdire totalement la guerre, elle est trop enracinée dans la culture ambiante, c'est la raison d'exister des nobles, mais
il va établir des règles pour discipliner le traitement des conflits et, par là, se mèler de questions qui ne le regardent pas à priori.
Le jeune guerrier passait par une initiation virile en grande partie héritée des ancêtres barbares ; on remplace le vieux rite par l'adoubement qui en fera un chevalier béni par
l'église et tenu de respecter quelques usages tels que la trève de Dieu limitant la durée des hostilités. Il jure de recourir à l'arbitrage des autorités religieuses et surtout de
protéger, outre la veuve et l'orphelin, tous les religieux, leurs biens et les individus sous leur protection ou leur autorité.
Ces règles sont assez peu efficaces pour épargner au pauvre monde les malheurs de la guerre mais elles font de la politique, et surtout de la diplomatie, des chasses gardées du clergé.
La noblesse n'est plus souveraine à la guerre.
A-t'elle mieux réussi avec les mariages ?
...à suivre ...