Toujours débordée par mes problèmes logistiques , il me faut toutefois dégager le temps nécessaire pour
apporter mon grain de sel, quelques précisions, autour d'un sujet dont on nous rebat les oreilles sans poser les vraies questions. Penchons nous sur la viande et l'abattage des animaux
sans nous laisser aller au crêpage des chignons religieux et culturels.
D'abord, une réalité : comme l'ours, le cochon et tous les animaux opportunistes, l'homme moderne est un carnivore charognard. Incapable de fondre sur sa proie pour la dévorer vivante, il attend que la victime lui soit livrée tuée et, de préférence, dépouillée, découpée, prête à consommer ; c'est le boulot des abattoirs.
Le sujet urbain se détourne des lieux de mort. Comme si la viande lui arrivait ex-nihilo, comme s'il n'existait aucun point commun entre les animaux et son assiette, l'abattoir lui est un univers étranger, il ne veut même pas savoir comment il fonctionne.
S'il y prêtait quelque attention, il serait, au moins, plus difficile de lui raconter n'importe quoi.
D'abord, ce travail peu réjouissant se pratique de moins en moins en zone urbaine. Il plait aux amis des bêtes de croire que leurs protestations indignées (tiens, eux aussi !) contre les conditions révoltantes du transport des animaux ont été entendues ; en réalité, c'est l'efficacité économique qui a décidé, il est plus simple et moins coûteux de faire rouler des véhicules réfrigérés transportant de la viande que des camions de bestiaux vivants. La majorité des animaux sont abattus dans les régions d'élevage et acheminés vers les grandes villes à l'état de carcasses ou même carrément découpés en morceaux prêts à consommer. Il reste bien quelques abattoirs en zone urbaine pour les éleveurs en périphérie, les bouchers-abatteurs (survivance du passé) qui tiennent à choisir eux-même leurs bêtes sur pied, les font tuer et en récupèrent les morceaux en sortie de chaîne, l'abattage sanitaire en cas de nécessité, et des situations particulières au nombre desquelles le droit accordé à certains groupes religieux de faire procéder à une forme rituelle de sacrifice par égorgement sans étourdissement. Au passage, rappelons qu'ils ont obtenu ce régime dérogatoire pour lutter contre l'abattage clandestin, source de nuisances sanitaires graves et de troubles à l'ordre public.
Les petites unités ont du mal à joindre les deux bouts, il faut un tonnage minimum pour continuer à exister. Elles ont vu dans l'abattage rituel la survie de leur activité. Rationalisation oblige, elles en ont fait leur norme.
Conclusion : il est faux de prétendre que tous les franciliens mangent halal sans le savoir, la plus grande partie de la viande consommée en région Parisienne vient de boucheries industrielles situées dans les zones d'élevage, on n'y pratique pas l'égorgement rituel. En revanche, il est vrai que les morceaux provenant d'abattoirs franciliens ont toutes les chances d'avoir été abattus rituellement.
Ce point étant acquis, reste le seul vrai problème qui n'agite pas grand monde : la question sanitaire.
Nous essaierons de ne pas être inutilement gore mais la précision exige d'entrer dans quelques détails difficiles.
Prenons l'exemple des bovins. Normalement, dans l'abattage réglementaire, les bêtes suivent un couloir à la queue-leu-leu, elles sont accueillies par un tueur muni de son pistolet d'abattage, une arme qui, appuyée entre les cornes, enfonce l'os frontal. L'animal est cérébralement mort mais son coeur battra encore le temps nécessaire pour qu'il puisse être saigné. Il est donc suspendu par une patte arrière et une ouverture es pratiquée dans la carotide pour que l'animal se vide de son sang. En même temps, l'oesophage est ligaturé pour éviter que le contenu digestif puisse descendre et souiller la plaie. Les tueurs ont obligatoirement un CAP de boucher, garantie d'une formation minimale à l'hygiène.
Dans le cas où l'animal est égorgé rituellement, une lame vient sectionner tous les "tuyaux" en même temps : artère, trachée, oesophage. Tous les fluides se répandent, la plaie est donc souillée par le contenu digestif riche en bactéries de toutes sortes. Il est donc fortement déconseillé de consommer les morceaux autour du cou, morceaux bon-marché qui servent à la frabrication des steacks hachés, steacks le plus souvent consommés crus ou à peine cuits.
Cette forme d'abattage qui se veut pure est, en réalité, un vrai nid à microbes.
En insistant sur le clash des civilisations, les adversaires de l'abattage rituel se trompent de combat. Ils se créent une réputation d'intolérants et de racistes alors qu'il serait bien plus simple de se faire les champions de l'hygiène et de la santé.