N'en déplaise aux puristes, on ne dira jamais assez la place de ce film dans l'enseignement populaire de la Shoah et, surtout, dans la définition du terme de "Juste parmi les Nations".
Oskar Schindler était, au départ, tout le contraire d'un héros : c'était un profiteur de guerre, exploitant et exploiteur de la main d'oeuvre juive mise à sa disposition par les nazis. Au long d'un processus plus personnel que philosophique ou politique, sa conscience s'éveille et il finit par sauver plusieurs milliers de juifs en y laissant sa fortune, son ménage et tout ce qui avait compté pour lui avant la découverte d'une nécessité supérieure.
Le film se termine comme un hommage à Israël, refuge des survivants. Avec, comme fond sonore, l'hymne à Jérusalem, les juifs sauvés par Schindler viennent lui rendre hommage sur sa tombe, en Israël.
Emotion garantie, tout le monde essuie une larme ou renifle discrètement.
On remarquera forcément le télescopage entre cette programmation et l'attitude généralement pro-palestinienne et anti-israélienne de France-télévision. Les hasards du calendrier sont parfois réjouissants.
Finie la récréation, on cesse de ricaner, c'est l'occasion de se pencher sur Israël et la Shoah.
ll faut dire et répéter que la Shoah n'est pas à l'origine de l'état d'Israël. Les adversaires de sa création aiment le laisser croire mais c'est une histoire beaucoup plus ancienne.
Si on voulait rattacher la naissance d'Israël à un événement de l'histoire européenne, ce serait l'affaire Dreyfus plutôt que la Shoah. Les juifs d'Europe avaient parié sur l'assimilation au monde des lumières et, dans les pays les plus prometteurs, comme la France, la réponse à leur désir d'ouverture a été le rejet, la discrimination, l'exclusion et la haine.
Dès lors, naquit et se renforça le sionisme, l'espoir et la volonté de fonder un état juif pour les juifs, un refuge et un endroit qu'ils pourraient organiser et diriger dans la liberté et le droit. Après des luttes héroïques racontées dans les livres d'histoire, l'état d'Israël fut conquis, et non accordé, en 1948.
En même temps, le jeune état accueillait des groupes de plus en plus nombreux de survivants de l'extermination et devenait, en quelque sorte, l'épicentre de sa mémoire.
C'est un élément fondamental mais ce n'est pas le seul. D'ailleurs, on apprend, à intervalles, que les rescapés de la Shoah ne sont pas traités comme ils le méritent par l'Etat Juif.
Israël est l'Etat de tous les Juifs, d'Europe mais aussi, d'Afrique du Nord, d'Asie et du monde entier, sans oublier les Sabras, Israéliens autochtones nés en Israël. Tous ont en commun le judaïsme mais pas la Shoah, la "destruction des juifs d'Europe", selon l'expression consacrée par Raul Hilberg.
C'est une réalité qui échappe en grande partie aux étrangers. Les symboles les plus cités sont Yad Vashem et la Médaille des Justes ; la modernité israélienne, ses scientifiques passent souvent à l'arrière-plan.
De temps en temps, des ignorants hostiles rappellent, pour le déplorer, que l'armée israélienne est forte, qu'elle détient l'arme nucléaire et qu'Israel est l'allié indéfectible des Etats Unis. "Les amis de mes ennemis sont mes ennemis" dit le proverbe, donc Israël est associé aux USA dans la détestation ordinaire.
Pourtant le Peuple de l'Etude est aussi un peuple de savants, d'artistes, d'entrepreneurs. Il crée au profit de tous.
Là se trouve la victoire finale de ceux qui n'ont même pas eu de sépulture.
Changeons les regards ; ce peuple veut vivre. Tout simplement.