Amour est césarisé en attendant les oscars.
C'était la moindre des choses d'honorer l'immense talent d'Emmanuelle Riva qui nous avait longtemps manqué.
A l'issue de son visionnement, j'avais émis cette opinion que j'extrais des profondeurs où elle s'ennuyait.
Avez-vous vu la Palme d'Or de Michaël Haneke : Amour ?
Le film est bien réalisé, remarquablement interprèté par une Emmanuelle Riva et un Jean-Louis Trintignant qui connaissent leur boulot depuis longtemps, mais (il y a toujours un
mais) c'est un spectacle éprouvant.
Nous vivrons de plus en plus longtemps donc nous connaîtrons "pour de vrai" de plus en plus de ces couples âgés confrontés à la maladie, le handicap, la perte de l'autonomie et la
douleur. En regardant Amour, nous y pensons forcément.
Histoire que nous ne nous perdions pas dans les préoccupations économiques, les vieux d'Haneke, comme ceux de la chanson de Brel, ne sont pas dans le besoin. Sans être richissimes,
ils ont de quoi assurer leur quotidien, ils échappent à la confrontation épuisante avec les services sociaux, le temps qu'il faut accepter de perdre pour obtenir son dû. Professeurs et artistes,
ils habitent Paris, un appartement haussmanien. Leur intérieur est assez démodé pour marquer leur âge, démodé mais encore bourgeoisement confortable. Haneke évite de brouiller les cartes, il nous
enferme dans le huis clos de la dépendance.
Acteurs et réalisateur maîtrisent leur jeu, un savoir-faire dramatique qui enferme le spectateur, lui présente les événements comme inéluctables. Les vieux amoureux subissent
la maladie et ses ravages dans la solitude. Personne ne leur vient en aide mais ils ne font rien pour le briser. Cet isolement, ils l'ont organisé au nom de leur Amour sacré.
L'état de plus en plus dégradé de l'épouse qui a perdu toute autonomie nécessiterait qu'elle soit prise en charge par des soignants compétents dans un cadre médicalisé mais, au nom de ce fameux
Amour, son mari refuse de la confier à une institution et la prend en charge seul. Lui-même est âgé, fatigué, il risque de flancher avant sa femme ; quand leur fille lui suggère de chercher de
l'aide, une solution qui le soulage, il s'emporte. Pour clore le débat, il prétend avoir recours aux services d'infirmières ... qu'en réalité, il congédie pour que personne ne s'entremette
dans le huis clos du couple. Au bout de cette fuite en avant, c'est la fin qu'on sentait venir depuis le commencement : il se suicide au gaz après l'avoir étouffée. Jusque dans la mort, ils sont
liés par un Amour devenu leur geôlier.
Le spectateur garde l'oeil sec, la descente aux enfers gène plus qu'elle n'émeut. La complaisance dans le malheur est trop évidente.
On revient à ce décor démodé qui nous ramène trente ans en arrière, Haneke nous montre que ses personnages eux-mêmes sont dépassés. Ils réagissent comme autrefois, quand il
fallait se débrouiller avec les moyens du bord pour affronter l'agonie. Les militants du Droit de Mourir dans la Dignité, craignant sans doute que la nuance n'affaiblisse leur propos, nous
laissent entendre que rien n'a changé. Et pourtant, il existe dans la loi d'aujourd'hui une ressource qui change tout, c'est la sédation. Les mourants ne doivent plus être abandonnés à leur
souffrance. Quand la mort a gagné la partie, on la laisse venir mais on ne laisse pas la souffrance envahir le mourant.
Quel sens donner à Mourir dans la Dignité ? Le débat est ouvert et les interprétations multiples mais Mourir dans l'Humanité, ça on peut faire et c'est un
grand progrès.
25 février 2013.
Mauvaise pioche, Amour a reçu l'Oscar du meilleur film étranger mais Emmanuelle Riva n'a pas été récompensée, dommage. Elle était pourtant le meilleur de ce film éprouvant.